Les dermatoses auto-immunes (DAI) résultent de mécanismes d’auto-immunisation vis-à-vis de constituants normaux de la peau localisés en diverses zones cutanées. Les pemphigus représentent un groupe de DAI caractérisés par la présence d’auto-anticorps dirigés contre des composants situés au niveau de la membrane des kératinocytes, les desmogléines. Ces protéines, apparentées à la famille des cadhérines, se localisent en position transmembranaire. Il s’agit de dermatoses bulleuses, qui peuvent être superficielles, c’est notamment le cas du pemphigus foliacé, ou profonds, c’est le cas du pemphigus vulgaire. Cette distinction explique notamment les différences cliniques entre ces 2 entités.
Le pemphigus foliacé constitue la principale dermatose auto-immune chez le chat, et la deuxième chez le chien après le lupus discoïde. Il s’agit toutefois d’une dermatose rare, puisqu’elle ne constitue que 0,5 à 1 % des cas de dermatologie féline.
Chez le chat, il peut être spontané, et donc ne présenter aucune cause sous jacente, tout comme il peut résulter d’une dermatose chronique, être médico-induit ou d’origine paranéoplasique. Chez l’homme de nombreuses autres étiologies ont été proposées, notamment virales et génétiques.
Cette dermatose auto-immune affecte généralement de jeunes adultes, même si des animaux de tous âges peuvent être affectés. À la différence du chien, aucune prédisposition raciale n’a été rapportée chez le chat.
La lésion primaire est une pustule folliculaire et surtout non folliculaire. Elle présente souvent une base érythémateuse, et elle est de grande taille, puisqu’elle va surmonter plusieurs follicules pileux à la différence des pustules observées lors de folliculite bactérienne. Malheureusement, il s’agit d’une lésion fugace, qui va donc être rarement observée, surtout chez le chat. On observe plutôt des lésions secondaires tels que des croûtes, un état kérato-séborrhéique, une alopécie diffuse, et des érosions.
Chez le chat, cette dermatose bilatérale et symétrique, pustuleuse et croûteuse, affecte préférentiellement la face, notamment le planum nasal, le chanfrein, la région péri-oculaire et la face interne des conques auriculaires. D’autres localisations peuvent être concernées. On peut ainsi noter une atteinte périmamellonaire, et des replis unguéaux. Chez le chat, un périonyxis est ainsi fréquemment observé. Un exsudat purulent peut sourdre à la pression comme dans notre cas. Au niveau des pattes, on peut également noter un épaississement et une fissuration des coussinets, ce qui va alors entraîner une douleur et donc une boiterie comme c’est le cas ici. Avec le temps, on peut assister à une généralisation de la dermatose à l’ensemble du corps. Les jonctions cutanéo-muqueuses et les muqueuses sont rarement touchées. La cavité orale est systématiquement épargnée. Un prurit peut parfois être présent, mais on n’en connaît pas la fréquence chez le chat.
Il n’y a généralement aucun symptôme général. Lorsqu’ils sont présents, ils sont non spécifiques, et on peut alors noter une hyperthermie, un abattement et une anorexie.
Le diagnostic fait appel à l’anamnèse, à l’examen clinique et à la réalisation d’examens complémentaires, principalement la cytologie et l’examen histopathologique.
La cytologie est un examen complémentaire simple et intéressant à mettre en œuvre. Réalisée à partir du pus obtenu à partir d’une pustule ou en région unguéale, chez le chat, elle va nous permettre d’observer des polynucléaires neutrophiles non dégénérés, peu ou pas de bactéries, puisqu’il s’agit d’une pustulose stérile, ainsi que des acanthocytes. Il s’agit de grandes cellules à cytoplasme basophile homogène et bords nets. Le noyau est central, granuleux avec un ou plusieurs nucléoles. Un halo périnucléaire et une dégénérescence ballonisante sont parfois notés. Ces derniers peuvent être regroupés et former une image dite « en radeaux », ou entourés de polynucléaires et formé une image dite « en roue crantée ». Ces kératinocytes acantholytiques ne sont toutefois pas caractéristiques de pemphigus foliacé, puisqu’ils peuvent également être observés lors de folliculite bactérienne et de dermatophytose, mais ils doivent inciter le praticien à pratiquer des biopsies cutanées, car ils sont évocateurs. Dans ces dernières dermatoses, les acanthocytes résultent de l’activité enzymatique des polynucléaires neutrophiles, et ils sont donc le plus souvent isolés et en petit nombre. A noter que des complications infectieuses peuvent venir aggraver le pemphigus foliacé, et on peut alors observer diverses bactéries ainsi que des neutrophiles dégénérés. Le diagnostic final est établi par l’analyse anatomopathologique de biopsies cutanées. A noter qu'il est très important de bien choisir les sites à biopsier au risque de ne pas pouvoir conclure.
Le traitement du pemphigus foliacé félin fait appel à l’utilisation de molécules immunosuppressives, en recherchant un juste compromis entre le contrôle de cette dermatose auto-immune et le minimum d’effets secondaires.
Lors de forme localisée, l’utilisation de dermatocorticoïdes est envisageable. Il s’agit toutefois de cas relativement rares. Lors d’atteinte plus extensive, il est nécessaire de passer à un traitement systémique.
Le pemphigus foliacé félin n'est pas directement mortel. Toutefois, l'utilisation de molécules immunosuppressives, qui peuvent être à l'origine d'effets secondaires et/ou l'absence de réponses aux traitements peut malheureusement conduire à l'euthanasie de l'animal. C'est pourquoi, comme bien souvent, il est primordial de réaliser un diagnostic précoce et la mise en place tout aussi précoces des traitements nécessaires.
myringite bulleuse , maladie auto immune chat